Cette-fois ci, le Proxiscope vous emmène à la rencontre des artisans d’art qui ont exposé lors des Journées Européennes des Métiers d’Art. Ces dernières se déroulaient du 30 mars au 2 avril 2023 à Châteauroux, pour la première fois au Couvent des Cordeliers. Ce plus de 2000 visiteurs qui ont pu découvrir les créations artisanales de 20 artisans d’art. Etaient ainsi présentés, dans cet édifice du XIIIe siècle situé tout près de l’Ecole des Beaux-Arts, différents métiers d’art allant de la reliure aux carreaux ciment d’art. Lors de notre visite, en pleine inauguration de l’évènement, ce sont les “scolaires” qui sont invités à découvrir les créations comme les métiers de l’artisanat d’art. Au milieu de groupes d’âges variés, des artisans et des élus du territoire, nous vous proposons de comprendre comment les métiers évoluent et tissent de nouvelles relations entre le savoir-faire, la création, leur liens avec le public et leur territoire.
Pour commencer, découvrez vous aussi les créations exposées aux JEMA en images ci-dessous.
Quelles inspirations pour les métiers d’art ?
Les évènements comme les JEMA sont avant tout des lieux de rencontres : les artisans s’y retrouvent et présentent leurs créations, leur travail. Sur plusieurs stands, des démonstrations sont mêmes organisées : le “geste” apparaît comme intimement lié à la “vitrine”, et l’artisan “faisant” continue à nous parler de lui, de son activité, et de l’importance de son métier. Dans leurs échanges, les artisans expliquent le parcours d’une oeuvre. L’histoire commence souvent avec la commande d’un client dont ils connaissent les attentes mais également les habitudes et styles de vie. Place ensuite à la création jusqu’à à l’exposition et le partage de leur travail. Dans ce parcours, se succèdent différents espaces, de l’atelier et aux lieux d’expositions, qui redessinent les liens avec une clientèle, un public, des coopérations avec d’autres artisans. Pour mieux comprendre le processus de création dans ce parcours, nous demandons à deux artisans d’art quelles sont leurs sources d’inspiration.
“Tout”, nous répond Audrey Siffredi, tapissière d’ameublement à Châteauroux, qui pratique le design d’espace et la tapisserie d’ameublement. “Je m’inspire des lignes que je peux trouver en architecture pour m’amuser à restructurer la couverture des fauteuils par exemple”, continue-t-elle. Pour Olivier Baguet, encadreur depuis quarante ans, c’est l’oeuvre du client qui donne le point de départ de la création. Comme il l’explique, “ma seule source d’inspiration c’est l’oeuvre que le client m’amène, une photo, une gravure, un dessin d’enfant”. Dans un métier d’art, il y a donc un lien entre la commande et l’inspiration. Pour comprendre ce lien, nous nous intéressons aux valeurs, aux espaces et à la coopération qui se jouent dans la production artisanal d’un objet d’art.
Quelles valeurs défendent ces créations ?
La place des valeurs permet de comprendre ce qui relie la commande d’un client et l’inspiration des artisans : ensemble, que cherchent-ils à exprimer ? C’est une approche spécifique au Proxiscope, issue du programme FabCVL qui élabore des méthodes et outils de travail créatif et innovant pour l’artisanat. Selon cette approche, dans la transition que représente la création d’une oeuvre, artisans, clients et partenaires vont mobiliser : des valeurs et un imaginaire commun, des espaces et lieux de création, un réseau de connaissances et ressources. Nous décryptons donc avec nos artisans d’art les “valeurs-ressources” et “imaginaire commun” présentés par leur travail sur commande des clients.
Pour Audrey, il s’agit avant tout de “respect”. Selon elle, “que ce soit pour les collaborateurs ou les clients, il faut être attentif à leurs besoins, pouvoir les écouter et leur apporter des réponses.” Pour cela, veiller à la montée en compétences des collaborateurs et entourer les clients participe à créer de la confiance selon l’artisane d’art. Pour Olivier, la place de la créativité s’inscrit également dans une notion de respect. Comme il l’explique, “la première chose dans notre métier, c’est de protéger et préserver”.
Si les modes de production ont pu évoluer et pour gagner en rapidité, des gestes et usages traditionnels demeurent. Si le numérique impacte le travail de création et de communication d’Audrey qui utilise les réseaux sociaux pour valoriser ses créations, il ne représente qu’une activité annexe pour Olivier. Selon lui, dans son métier, c’est le “bouche à oreille” qui fonctionne le mieux. En encadrant des oeuvres, son travail communique de lui-même : créateurs de bande dessinées, artistes peintres, photographes se font ainsi porte-parole de son art. Nous retrouvons dans ce parcours de création la volonté partagée par le client et l’artisan de préserver l’identité de l’oeuvre protégée (valeur ressource) pour que le travail final représente à la fois une qualité de savoir-faire et la personnalité du client, traditionnelle ou moderne (imaginaire commun).
Des liens de proximité
Nous comprenons alors que la créativité des artisans d’art se nourrit d’une forme de convivialité, un ensemble de rencontres, discussions, échanges, où le client et l’artisan tissent ensemble des liens et des connaissances qui participe au travail de l’artisan d’art. C’est d’ailleurs l’une des attentes des artisans pour les évènements comme les JEMA : non seulement permettre l’exposition, mais également la discussion et la démonstration, comme gage de respect des savoirs faire et d’écoute des besoins, ou des tendances en échangeant avec d’autres artisans.
Ainsi, les cadres d’Olivier sont exposés directement chez les artistes qui travaillent avec lui, étendant ou fusionnant les espaces d’exposition de son travail avec ceux de ses clients. Audrey travaille également avec d’autres professionnels et artisans, “j’adore ça, c’est source de création et d’échanges de technique”, comme elle l’explique. Ebénisterie, dorure, différents corps de métiers peuvent intervenir dans ses créations. D’ailleurs, lors de cette exposition, elle repère le travail d’une artisane vannière qui lui inspire de nouvelles idées.
C’est bien cette proximité relationnelle, qui devient dans ce parcours une relation de service et rend l’innovation et la coopération des artisans si spécifique. Choisir le crin plutôt que la mousse moderne qui se détériore rapidement pour favoriser des matériaux traditionnels et durables, choisir l’humain plutôt que le numérique pour favoriser des échanges riches nécessaires à la création, ce mélange de traditions et de modernité nous ramène à une innovation frugale, simple et engagée, que nous ne manquerons pas d’explorer plus avant dans la suite de notre enquête.
Notre découverte des territoires projets de l’artisanat continue bientôt avec les récits de transition des participants du programme FabCVL. Suivez-nous pour les découvrir !
Pour nous suivre, prenez la voie libre.
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